LE JOUR Où L'ÉCLIPSE...
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Les préparatifs
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Levés vers 6:00 pour partir vers 8:00, afin de ne pas subir les encombrements sur la route, nous constatons un ciel couvert de nuages.
La deuxième précaution a été de préférer prendre les petites routes pour trouver un emplacement tranquille, dans les champs, sur le plateau, prés de Soissons, ceci sans encombres. Les festivités prévues vers Reims, en ville, ne nous attiraient guère pour célébrer un événement aussi naturel que peut l'être une éclipse, malgré les commentaires du voisin, en face, rue des Violettes, à Lagny, qui confond manifestement naturel et banal : pour lui, une éclipse totale est un événement naturel donc sans intérêt et qui revient tous les 2 ans (en fait tous les 18 ! ).
Comment lui expliquer que naturel n'est pas opposé à merveilleux, pas banal, ou même extraordinaire ? Ainsi les couchers de Soleil, les arcs-en-ciel, les aurores boréales, tous qui émerveillent en moi le sens du beau et provoque toujours une émotion forte, malgré les connaissances que je peux avoir sur la formation de ces météores (choses vues dans le ciel, étymologiquement).
Et puis, cette éclipse, je l'attends depuis l'âge de mes 13 ans, date de la dernière visible en France, mais vue seulement partielle. Nous partons donc vers Soissons, en passant par Meaux, la Ferté-Milon et Villers-Cotterêts, en n'oubliant pas de prendre du pain en route pour le pique-nique.
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Le poste d'observation
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Plus nous approchons de Soissons, plus la route suivie, pourtant pas très importante, se remplit, s'étire en longueur ; dès le premier bouchon, nous évitons les abords de Soissons même, en bifurquant à gauche, vers la campagne, les champs moissonnés, les champs de betteraves, par des chemins plus propices au mouvement. Apres quelques virolons en fond de vallon, à travers de petits villages tranquilles, nous rejoignons un plateau marqué fermement à l'horizon par de rares bosquets et par quelques voitures déjà en place. Nous trouvons rapidement un chemin désert et nous stoppons la voiture.
Au loin, un paysan sur son tracteur, travaillant aux champs, marque encore la civilisation. Les premiers repérages nous indiquent un sol encore mouillé des dernières pluies et des chaumes ; il est 10:00, nous décidons de nous installer là. Vers le ciel, des nuages gris masquent entièrement le théâtre de nos espoirs. Déboussolés un instant, nous retrouvons nos marques et cherchons vers les nuées, un semblant de traces assez lumineuses pour nous indiquer la direction du Soleil. Il ne fait pas bien chaud, quelques gouttes nous font mettre pulls, imperméables et chapeaux... Les lunettes pour éclipse à la main révèlent malgré tout un espoir, même fragile, d'assister à l'événement dans sa plénitude. Quelques dernières voitures s'installent sur le chemin proche, chacun se met en place, il est bientôt 11:00.
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L'éclipse
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Petit à petit, les nuages noirs de basse altitude s'effacent, se délitent, nous font apparaître quelques trouées prometteuses dans un ciel nuageux plus élevé. Petit à petit, un soleil encore voilé nous fait essayer nos lunettes, qui les Afflelou, qui les Kodak, qui les Kriss... Je m'aperçois alors que mes lunettes de soudeur aux verres foncés (teinte 5) mais déconseillées par l'Institut et les médias réunis, ne donnent pas un si mauvais résultat: les nuages atténuant fortement la luminosité solaire directe me font découvrir un Soleil déjà mangé par une Lune invisible et j'alerte toute ma troupe. Il est 11:00. Les lunettes officiellement autorisées ne donnent pas une image nette d'un Soleil bien voilé par des nuages mouvants et d'inégale épaisseur ; le résultat est un profil lumineux bien flou alors que mes lunettes de soudeur me font apparaître, et un croissant lumineux mais supportable, et des nuées environnantes éclairées, rayonnées qui encadrent bien le Soleil. Bientôt, quelques trouées nous promettent des coins de ciel bleu qu'on espère sur le chemin de l'événement lumineux. Nos espoirs se renforcent et nos commentaires couvrent maintenant ceux de l'auto-radio resté allumé pour nous guider et qui nous rattache à la communauté humaine qui, de la Normandie à l'Alsace, assiste au même événement. Le profil solaire diminue de plus en plus mais la clarté résultante reste égale et éclaire bien le paysage. Il ne reste pourtant vers 12:20 qu'un croissant de Soleil bien mince. Un instant plus tard, je me surprends à craindre un orage, trompé par un assombrissement rapide, un vent qui se levé et une température qui chute. Il s'agit, et je me le rappelle bien maintenant, des signes avant-coureurs de l'éclipse totale. Au loin, les cieux toujours ennuagés restent éclairés vers l'Est, mais vers l'Ouest, c'est le noir complet, et nous voyons mourir le Soleil et la nuit tomber totalement.
Le ciel aussi est mort : plus de bruit, plus d'oiseaux dans le ciel. Une clarté se dessine à l'endroit présumé du Soleil et la couronne apparaît dans toute sa splendeur: nous bénéficions d'une trouée... miraculeuse dans le ciel pour notre poste d'observation, les grains de Bailly scintillent rendant le spectacle encore plus magique. Quelle impression de communion cosmique. Une émotion forte m'envahit d'autant plus que j'attends le spectacle de cet événement depuis plus de 40 ans, depuis la naissance de ma vocation d'astronome amateur, à la fin des années 50. Nous essayons de profiter pleinement de ce moment que nous savons être très court : 2 minutes environ. D'un seul coup, un éclat diamanté éclate sur le côté où le soleil va réapparaître. L'ombre de la Lune continuant à glisser régulièrement va dévoiler le Soleil et cette première lueur marque d'une façon majestueuse sa renaissance. C'est tout le côté magique, ou symbolique de cette manifestation céleste : l'astre de nos jours renaît sous la forme d'une étoile qui éclate et grandit jusqu'à retrouver sa splendeur première. C'est une explication au trouble produit dans nos esprits, car si la mécanique céleste est d'une rigueur absolue et les mouvements solaire et lunaire absolument rigides et réguliers, au moins pour nos mesures humaines, l'extinction du Soleil et sa renaissance n'en font pas pour autant des événement symétriques d'égal importance. La preuve en est la redécouverte du Soleil par la Lune pourtant d'égale longueur de temps avec son occultation qui n'en donne pas autant de majesté et d'intérêt visuel. De même, le mince croissant final fermant la première partie visible de l'éclipse est un événement sans commune mesure avec celui du renouveau : l'un constate la mort tranquille, inexorable du Soleil, l'autre une naissance éblouissante, majestueuse, éclatante. En 2 minutes et quelques secondes, un jour mourant, un froid et une obscurité s'installant sur tout le paysage font place à une étoile qui s'allume à partir d'un éclat né sur une couronne tournante pareille à aucune autre, haut dans le ciel.
(Suit un dessin, à la palette, fait au retour à la maison d'après mes souvenirs.)
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Dessin
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Épilogue
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Ensuite nous mangeons le pique-nique prévu pour la circonstance (moins les oeufs durs restés dans le frigo).
Le retour s'effectuera avec beaucoup de ralentissements dus aux millions de spectateurs retournant vers leur domicile dans les quelques heures qui suivirent.
Georges (adhérent de la S.A.F pendant de nombreuses des années 60), le 11 août 1999.
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